Cinq Caméras brisées” contre le mur du silence en PalestineDocumentaire | Le paysan palestinien Emad Burnat a filmé cinq ans durant le harcèlement des soldats israéliens sur son village de Cisjordanie. Et la rage grandissante des habitants. Un document multi-primé.
Le 06/10/2012 à 00h00
Marie Cailletet - Télérama

Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne. © Alégria
Si le Palestinien Emad Burnat est aujourd'hui loin de sa terre, c'est pour mieux la protéger. Voilà des mois que le fellah (paysan) de Cisjordanie, coréalisateur avec l'Israélien Guy Davidi de Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne, arpente le monde avec son film, raflant succès critiques et prix émérites dans les principaux festivals documentaires. Pas moins de seize récompenses glanées des Etats-Unis à Amsterdam, en passant par Paris, l'Afrique du Sud ou l'Arménie, pour ce documentaire cofinancé par France 5 !
La légende colporte que l'histoire du film débute un jour de 2005 quand des géomètres s'invitent dans les oliveraies du petit village de Bil'in. Un bornage du terrain préalable à la construction d'un mur, censé garantir la sécurité de la colonie juive voisine et prévenir l'infiltration de terroristes, amputant les habitants palestiniens de la moitié de leurs terres. Quelque temps plus tard, de gigantesques pelleteuses investissent les collines, déracinant à coups de mâchoires les arbres séculaires. Tandis que les villageois s'interposent, Emad s'empare de sa caméra, offerte par un ami pour la naissance de son quatrième fils, Gibreel. « Dès le début du mouvement, Emad a cherché comment y contribuer, se souvient Guy. Les habitants de Bil'in lui ont demandé de filmer la réalité de leur quotidien, le harcèlement de tous les instants, la violence des soldats contre leur protestation pacifique, la “fabrication” de la rage. Il a compris l'intérêt de tourner ce qui se passait quand les journalistes n'étaient plus là. »
Emad Burnat, coréalisateur de Cinq caméras Brisées, une histoire palestinienne. © Alégria
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Car très vite, la résistance est médiatisée. La presse afflue. Les images d'Emad, qui vend quelques séquences aux télés, à Reuters, lui permettent à la fois de faire connaître leur combat, et de gagner quelques sous. Depuis 2000, et le durcissement de la politique de bouclage des territoires occupés, Israël a fermé son marché du travail aux Palestiniens. Comme nombre d'entre eux, Emad vit donc de petits boulots et du fruit de ses vergers. Mais au-delà de la mince aubaine financière, Emad filme « pour le futur car, un jour, la lutte pour garder la terre sera achevée et il faut garder une trace des actions menées dans ce but. » Qui plus est, la présence de la caméra le protège, lui et ceux qu'ils filment. « Elle a parfois été une alliée, empêchant les soldats de recourir à la violence. »
Quatre ans de tournage et quatre caméras brisées plus tard (1), en 2009, Emad a accumulé des centaines d'heures de rushs. « Je pense qu'il avait envie de construire un film sans trop savoir comment s'y prendre », raconte Guy. Emad se tourne alors vers lui. Membre actif dans la lutte contre le mur, familier du village où il a séjourné pendant trois mois pour un autre film, c'est un vidéaste professionnel capable de l'épauler dans son projet.
Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne. © Alégria
Cinq caméras brisées une histoire palestinienne FR 2011 Emad Burnat & Guy Davidi
« Emad souhaitait le centrer autour d'Abeed et Phil, ses deux meilleurs amis. L'un venait d'être arrêté, l'autre tué. Moi, je ne voulais pas d'un film sur la mort. Je me méfie beaucoup de l'héroïsation des martyrs, courante dans nos sociétés. J'ai pensé à mettre Emad au c½ur du film, à dépeindre le lien entre lui et son fils Gibreel, entre lui et son père. De raconter l'histoire du conflit à travers sa voix, d'entremêler le personnel et le social. Mais montrer ses peurs, sa famille... ce n'est pas évident dans la société palestinienne. » Deux années durant, il incite Emad à tourner des images plus intimes, pour lier les deux histoires, parti pris de la narration. Il peaufine le commentaire sobre, lu d'une voix distanciée et monocorde par Emad.
Par sa chronique à la première personne, de New York à Dublin, Emad a protégé sa terre, et ses souffrances, de l'oubli. Après l'Allemagne, il est en Suisse. Pour raconter encore, et encore...
(1) La 5e caméra a duré de l'hiver 2009 au printemps 2010, quand elle fut atteinte par un tir de M16.
Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne, mardi 9 octobre 2012, à 20h35, sur France 5.
Cinq Caméras brisées" contre le mur du silence en Palestine :
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une photo de Martine Rimbault.

DE Tony Kopera
« Ils étaient empêchés de parvenir à leurs champs par la violence de colons israéliens radicaux et l'armée.
Ils ont été appuyés par une ONG israélienne. le saviez vous ?
...
Les fermiers se sont pressés dans la grande salle de la mairie de Beit Furik, à l'est de Naplouse en Cisjordanie, pour entendre le détail de la décision de la Cour suprême israélienne : après dix années de confiscation, ils pourront retourner sur leurs terres et récolter figues et olives.
Assis en rangs, keffieh sur la tête retenu par un boudin noir, longue tunique et peau tannée par le soleil, ils écoutent l'équipe juridique de l'ONG israélienne Yesh Din (« Il y a une justice » ) en égrenant leurs chapelets.
« Beaucoup de barrières, de manque de confiance, ont dû être franchis »
« Grâce à notre pétition, nous avons arrêté le cercle vicieux de colons radicaux qui empêchent par la violence les propriétaires palestiniens de venir sur leur terre, de l'armée qui intervient et finalement interdit l'accès des agriculteurs à leur propre terre, a proclamé l'avocat israélien Michael Sfard. Beaucoup de barrières, de manque de confiance, ont dû être franchis pour que nous puissions déposer cette pétition ensemble. Merci de nous avoir autorisés à faire partie de votre combat. » La salle a applaudi.
« En 1997, un fermier palestinien de Beit Furik âgé de 75 ans a été attaqué et tué dans son champ. Depuis, les violences de colons n'ont plus cessé, empêchant les habitants du village d'aller cultiver leurs oliviers. En 2005, un commandant de l'armée a réuni les villageois pour leur expliquer que l'accès à leur terre n'était plus autorisé et a placé des barrières. » »

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