Gilles Manceron : « Les accords d'Evian ont mis fin à la guerre mais pas à celle de la mémoire »
Entretien avec l'historien français
vendredi 16 mars 2012 / par Falila Gbadamassi

Les accords d'Evian, qui consacrèrent la fin de la guerre d'Algérie et la naissance de l'Etat algérien, auront cinquante ans le 18 mars. Dans les mémoires algériennes et françaises, les évènements douloureux qui ont entouré cette trêve ont laissé des traces indélébiles qui exigent plus qu'un devoir de mémoire. Retour sur quelques-unes d'entre elles avec l'historien français Gilles Manceron.
1 2 3
Gilles Manceron est un journaliste et historien spécialiste du colonialisme français. Il a rédigé de nombreux ouvrages sur la guerre d'Algérie et ses conséquences. Parmi eux, La guerre d'Algérie de la mémoire à l'histoire (avec Hassan Remaoun, Syros, 1993), Marianne et les colonies, une introduction à l'histoire coloniale de la France (La Découverte, 2003) ou encore La triple occultation d'un massacre, seconde partie du livre de Marcel et Paulette Péju, Le 17 octobre des Algériens (La Découverte, 2011). Gilles Manceron a été vice-président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et rédacteur en chef de sa revue, Hommes et Libertés. Il demeure l'un des responsables dela LDH.
Afrik.com : Que représente ce cinquantenaire à la fois pour l'Algérie et pour la France ?
Gilles Manceron : Il me semble que c'est l'occasion de revenir, surtout en France, sur ce passé colonial et à la guerre d'Algérie qui a clos la période coloniale française. De part et d'autre, c'est l'occasion de tourner la page. Depuis 50 ans, elle est toujours en suspens et on évite de la regarder en face. Du côté algérien, c'est le même enjeu. Peu d'évènements sont programmés en Algérie. La proclamation de l'indépendance a été fêtée, il y a 50 ans, et l'est chaque année depuis. Peut-être que s'il y a un début de reconnaissance dela France, il y aura éventuellement des gestes, entre autres, pour faire la lumière sur la disparition d'Européens au moment de l'indépendance.
Afrik.com : Un début de reconnaissance sous quelle forme ?
Gilles Manceron : L'essentiel est quela France reconnaisse l'injustice de la colonisation et la violence de la guerre d'Algérie. Il s'agit d'une réparation morale, de reconnaître ce que la colonisation avait de contradictoire avec les valeurs républicaines. Ce serait un premier pas...
Afrik.com : Toutes les anciennes colonies françaises sont en droit de réclamer cette repentance mais le cas algérien demeure particulier...
Gilles Manceron : Je préfère le terme de reconnaissance à celui de repentance. Effectivement, « c'est le gros morceau » de la conquête française, si je puis me permettre cette expression familière. C'est l'épisode le plus long – de la conquête, en passant par l'exploitation comme colonie de peuplement, à la guerre finale - et le plus violent de l'histoire coloniale française.
Afrik.com : Pourquoi la France rechigne-t-elle à opter pour cette « reconnaissance » ?
Gilles Manceron : Ce n'est pas facile pour plusieurs raisons. D'abord, l'ensemble des forces politiques françaises a été impliqué. Ensuite, il y a eu une justification par la France de sa pseudo ½uvre civilisatrice en s'appuyant sur des valeurs républicaines. Contrairement à d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas qui étaient conscients de la valeur utilitaire de la colonisation, que c'était de l'exploitation et qui n'ont jamais cherché à la justifier politiquement. Il est plus difficile de déconstruire ce discours politique. Entre les partisans du général de Gaulle, favorables à l'indépendance, et les jusqu'au-boutistes de l'Algérie française, la droite s'est longtemps divisée sur la question algérienne. Dans les années 2000, elle a tenté de gommer cette division pour se rapprocher d'une extrême-droite avec laquelle elle était en délicatesse depuis la Seconde Guerre mondiale mais surtout depuis la guerre d'Algérie. C'était le cas en 2007 avec Nicolas Sarkozy et son refus de « repentance ». C'est encore le cas aujourd'hui, en 2012, avec la "droitisation" de son discours. Nicolas Sarkozy tente ainsi de séduire certains nostalgiques de la colonisation.
Palestro, Algérie

palestro LAKHDARIA ville ALGERIE 07/06/1961
8 mai 1956 : vingt militaires français tombent dans une embuscade montée par des maquisards d'Ali Khodja, un des jeunes chefs locaux du FLN, sur les hauteurs des gorges de Palestro. Les corps des militaires, ouvriers et pères de famille, sont retrouvés mutilés. Dans la presse, au parlement, l'adversaire algérien est renvoyé à une prétendue barbarie originelle. Le gouvernement décide d'envoyer des renforts, qui organisent une répression brutale dans la région. Nourri de témoignages recueillis côtés français et algérien et de documents inédits, ce film remonte le cours des violences qui ont marqué l'histoire coloniale de la vallée. L'acte guerrier fait ainsi écho à d'autres
La « Pacification » en Algérie - La politique du Mensonge - Témoignage de Français (part 7)
Ils eurent 20 ans dans les Aurès (I)

19 mars 2012, Algérie, cinquantième anniversaire du cessez le feu. Pour eux le feu n' a pas cessé. A petit feu sous la cendre, pendant des années le silence les a rongé. Mémoire douloureuse, que celle des deux millions d'appelés en Algérie de 1954 à 1962. Longtemps leur parole fut confisquée. Mais depuis vingt ans, peu à peu, l'histoire des Appelés prend sa place dans la mémoire commune comme dans celle des familles.
Il y a quinze ans, en 1998, LA-BAS faisait entendre la parole refoulée des sans grade de la guerre sans nom. Avec des voix inédites évoquant la solitude, la violence, l'amertume d'une génération perdue. Pour la première fois ils parlaient de la torture qu'ils avaient pratiquée. Et des ordres qu'ils avaient reçus. Et des lettres d'amour attendues.
Reportage Giv Anquetil, Daniel Mermet.
Programmation musicale :
Michel Ferchaud : "Je vous rends ma médaille"
Livres :
Rémi Serres, Ghislaine Ruvira, Djelloui Siamani, Zouina El-Ghers : J'ai vécu la guerre d'Algérie (Bayard)
Jean-Luc Einaudi : Franc-tireur (Sextant)
Benjamin Stora : Histoire de la guerre d'Algérie (La Découverte)
Ils eurent 20 ans dans les Aurès (II)

La parole refoulée des sans grade de la guerre sans nom continue de résonner dans LA-BAS aujourd'hui.
Avec des voix inédites évoquant la solitude, la violence, l'amertume d'une génération perdue. Ils parlent de la torture qu'ils ont pratiquée. Et des ordres qu'ils ont reçus. Et des lettres d'amour attendues.
Reportage Giv Anquetil, Daniel Mermet.
Programmation musicale :
Marche du premier commando
Eddy Mitchell : "Soixante, Soixante-Deux"
Livres :
Rémi Serres, Ghislaine Ruvira, Djelloui Siamani, Zouina El-Ghers : J'ai vécu la guerre d'Algérie (Bayard)
Jean-Luc Einaudi : Franc-tireur (Sextant)
Benjamin Stora : Histoire de la guerre d'Algérie (La Découverte)
Ils eurent 20 ans dans les Aurès (III)

parole refoulée des sans grade de la guerre sans nom continue de résonner dans LA-BAS aujourd'hui.
Avec des voix inédites évoquant la solitude, la violence, l'amertume d'une génération perdue. Ils parlent de la torture qu'ils ont pratiquée. Et des ordres qu'ils ont reçus. Et des lettres d'amour attendues.
Reportage Giv Anquetil, Daniel Mermet.
Programmation musicale :
Richard Anthony : "Nouvelle vague"
The Platters : "Only You"
Chet Baker : "My funny Valentine"
Livres :
Rémi Serres, Ghislaine Ruvira, Djelloui Siamani, Zouina El-Ghers : J'ai vécu la guerre d'Algérie (Bayard)
Jean-Luc Einaudi : Franc-tireur (Sextant)
Benjamin Stora : Histoire de la guerre d'Algérie (La Découverte)
Lire aussi :
Et :
Légende Photo : Krim Belkacem, deuxième en partant de la gauche
l-indigne, Posté le mercredi 21 mars 2012 14:33
L'histoire a tendance a se répéter. Une très bonne série française ( pour une fois) village français est aussi un douloureux parallèle du fichage, de la délation, du courage ou au contraire de la connivence avec l'ennemi par des petits gestes. L'histoire est montré par le petit bout de la lorgnette et va ( beaucoup) plus loin que les livres d'histoires.